Nous définissons les musées d’aujourd’hui comme étant des lieux accueillants, voués au partage et à l’éducation. Cela n’a pas toujours été le cas.
Ces espaces ont longtemps été destinés aux rassemblements privés, réservés aux personnes bien nanties et ayant fait des études supérieures.
Au cours des dernières décennies, les musées se sont démocratisés en ouvrant leurs portes à des publics plus variés. Bien que de nos jours, les visiteur·euse·s reflètent un portrait plus juste de notre société, au sein du département d’éducation de la Fondation PHI pour l’art contemporain, nous nous sommes penché·e·s sur le sentiment d’appartenance de nos groupes.
Au printemps 2023, nous avons eu la chance de collaborer avec Cindy Lebel, de l’école alternative Le Vitrail, et sa fabuleuse classe d’élèves de maternelle pour une deuxième édition du projet L’école au musée. La nature du projet est de développer un profond sentiment d’appartenance pour des élèves de tous âges au sein des institutions muséales, ainsi que de leur montrer que l’école n’est pas le seul lieu d’apprentissage auquel iels ont accès. Ce projet s’échelonne sur plusieurs semaines et se distingue des visites scolaires régulières de plusieurs façons, notamment par la répétition d’une routine établie, qui facilite le maintien d’un fil conducteur à chacune des visites.
Pour les maternelles, nous avons créé un plan sur quatre semaines dans notre exposition Conditions d’utilisation. Cette exposition regroupe 14 artistes travaillant sur les thèmes de la technologie et des identités individuelles et collectives. Avec les élèves, nous sommes allé·e·s à la rencontre d’une nouvelle œuvre et de son artiste chaque semaine: Chun Hua Catherine Dong, VahMirè (Ludmila Steckelberg), Shanie Tomassini et Helena Martin Franco.
Lors des conversations préliminaires avec Cindy Lebel, nous avons déterminé et élaboré les grandes lignes des quatre séances du projet. Ensemble, nous avons cocréé un plan éducatif abordant le sujet de l’identité par le biais de diverses activités créatives et collaboratives. Chaque semaine, nous gardons la routine établie alors que les activités sont adaptées selon les œuvres que nous abordons ensemble.
Voici un aperçu d’une journée dans la peau d’un·e de nos jeunes, la journée consacrée à la découverte de l’installation Absence à main levée (2023), de l’artiste montréalaise d’origine colombienne Helena Martin Franco – une œuvre portant sur les thèmes de l’identité, des mouvements corporels et des émotions; l’artiste explorant la place de son corps de femme immigrante sur le territoire autochtone non cédé de Tiohtiá:ke/Montréal.
Aperçu de la journée
Il est important pour nous de nous rassembler et de prendre le temps de nous poser avant d’amorcer la journée ensemble. Cela nous permet d’établir un premier contact avec les élèves avant de plonger dans le cœur de l’exposition.
En préparation à cette activité, Cindy nous a fait part de la manière dont elle avait déjà exploré le monde des émotions en classe avec ses élèves à l’aide, entre autres, du livre La couleur des émotions d’Anna Llenas. Cette première activité familiarise le groupe avec les thèmes qui seront abordés durant la journée. En nommant les émotions décrites dans le livre, les élèves ont fait des mouvements associés à diverses émotions dans le but de se préparer à la visite de la journée. Le livre nous a permis de connecter notre thème du mouvement et des sensibilités du corps à un apprentissage familier des élèves au sujet des émotions.
Ce moment de détente favorise les échanges verbaux sans pression et aide à établir une routine familière.
Nous montrons des images de l’artiste aux enfants et nous partageons son parcours sous forme d’une histoire. Nous ajoutons également des images supplémentaires afin de démystifier certains termes plus complexes tels que «diaspora» ou «citoyenneté», par exemple.
L’œuvre Absence à main levée de l’artiste Helena Martin Franco, ayant inspiré l’activité Représenter les émotions par un mouvement.
Avant même d’entamer une discussion autour des œuvres, les élèves explorent librement la salle d’exposition où se trouvent les œuvres de Martin Franco et choisissent les éléments qu’iels souhaitent dessiner. C’est une façon pour elleux de s’approprier l’espace d’exposition et de faire leurs propres interprétations des œuvres.
Par la suite, une description collective est guidée par l’éducateur·trice. Les jeunes ont alors l’occasion d’approfondir leurs observations de l’œuvre Absence à main levée de Martin Franco (2021-2023), cette œuvre consistant principalement en une projection au sol du corps en mouvement de l’artiste alors qu’elle effectue une performance. Nous soulignons l’importance du langage corporel et des émotions qui s’en dégagent à l’aide des commentaires et des sentiments partagés par les élèves.
À cette étape, les jeunes créent leur propre œuvre d’art. C’est une manière de réinvestir les thèmes explorés dans l’exposition tout en encourageant une réflexion personnelle à chacun·e. Inspiré·e·s par l’activité Représenter les émotions par un mouvement et l’œuvre de Martin Franco, les enfants ont tracé les contours de leurs corps collectivement afin de créer une murale colorée qui reflète les émotions ressenties lors de la création.
Photo: Marie-Hélène Lemaire
C’est un moment de partage et d’écoute. Les élèves discutent des points forts de leur avant-midi avant que l’activité soit conclue.
Après chaque visite, Cindy prend les rênes de l’exploration artistique dans le cadre scolaire. En poursuivant la discussion autour des sujets abordés lors de la visite à la Fondation PHI en classe, elle crée un pont entre le lieu culturel et l’école. À la suite de notre exploration de l’œuvre Absence à main levée d’Helena Martin Franco, Cindy a poursuivi les dessins collaboratifs en classe. Ainsi, chaque semaine, nous partons des idées et sujets abordés lors de la dernière visite pour élaborer la compréhension des grands thèmes de l’exposition – notamment l’identité. Notre souhait est que les élèves investissent leurs nouveaux apprentissages artistiques dans le cadre de leurs études.
Lors d’une autre séance d’activités, nous avons invité l’artiste Shanie Tomassini à concevoir et à animer un atelier de création lié à son installation Lueurs d’écran sous un ciel sans lune (2023). Cela a permis aux élèves d’approfondir les thèmes de l’identité en connexion avec la nature et ses quatre éléments. Les élèves ont questionné Shanie sur sa vie, sa pratique artistique et ses inspirations. Durant l’atelier, les jeunes ont approfondi des techniques avec l’artiste – celle de la sculpture, en façonnant de la pâte à modeler, et de l’intégration des éléments naturels, qui expriment leur identité collective. Ces principes ont également été réinvestis en classe avec Cindy, à la suite de la visite. L’enseignante a guidé une activité utilisant la même technique, mais cette fois-ci avec de l’argile plutôt que de la pâte à modeler.
Le cheminement vers la démocratisation des institutions muséales est de plus en plus tangible dans le monde de l’art. Notre mission d’accessibilité passe par l’apprentissage intuitif, l’exploration libre et la création collaborative. Lors de cette deuxième édition du projet L’école au musée, notre équipe a eu la chance d’être témoin de la grande complicité qui existe entre Cindy et ses élèves. L’accompagnement soutenu de l’enseignante a été d’une grande importance pour notre équipe. Nous partageons en effet les mêmes valeurs et objectifs: initier les élèves dès leur plus jeune âge à une expérience culturelle et leur permettre de prendre la parole de façon confiante et libre en ce qui concerne leurs opinions et leurs interprétations artistiques. Par des projets comme L’école au musée, nous nous engageons à créer un environnement éducatif sain qui, nous l’espérons, multipliera les collaborations de longue haleine entre les écoles et la Fondation PHI.
Note: À l’automne 2022, nous avons piloté ce projet avec une classe de 5e et 6e année du Vitrail durant l’exposition de Yayoi Kusama, DANCING LIGHTS THAT FLEW UP TO THE UNIVERSE. Vous pouvez en lire plus à ce sujet, dans l’article «Jeanne, bien sûr, je me souviens de ton nom».
Auteur·trice·s
Kim Johnson Kim Johnson est éducatrice à la Fondation PHI. Elle a complété un baccalauréat en Éducation de l’art à l’Université Concordia en 2016. Kim s’investit dans la démocratisation de l’art visuel à travers ses projets pédagogiques et artistiques au sein de divers centres communautaires et d’institutions culturelles de Montréal. Artiste visuelle, elle puise son inspiration dans les connexions humaines, le féminin et la nature.
Prakash Krishnan Prakash Krishnan est chercheur et travailleur culturel dans les domaines des médias numériques, de l’art contemporain, des archives et de l’accessibilité. Il a obtenu une maîtrise en études médiatiques à l’Université Concordia en 2021 et a rédigé un nombre d’essais, d’articles et de critiques pour des publications internationales. Prakash est éducateur à la Fondation PHI et travaille avec divers organismes locaux, centres d’artistes et collectifs sur la programmation de la médiation culturelle et l’accessibilité.
Conditions d’utilisation rassemble des œuvres qui explorent l’impact qu’ont les technologies sur la définition, la construction et le (re)cadrage des identités individuelles et collectives
Conditions d’utilisation rassemble des œuvres qui explorent l’impact qu’ont les technologies sur la définition, la construction et le (re)cadrage des identités individuelles et collectives
Réunissant plus de quarante œuvres récentes, l’exposition inaugurale de DHC/ART consacrée à l’artiste conceptuel Marc Quinn est la plus importante organisée à ce jour en Amérique du Nord et la première exposition individuelle de l’artiste au Canada
Six artistes présentent ici des œuvres qui, chacune à leur manière, remettent en scène des films, des spectacles médiatiques, des éléments puisés dans la culture populaire et, dans un cas particulier, des moments privés tirés du quotidien
L’exposition de cet artiste de réputation internationale rassemble plusieurs œuvres vidéo spectaculaires, projetées à grande échelle et accompagnées de bandes sonores saisissantes
DHC/ART est heureuse de présenter Particules de réalité, première exposition personnelle au Canada de la célèbre artiste israélienne Michal Rovner, qui partage son temps entre New York et une ferme en Israël
L’exposition inaugurale de Session DHC, Survivre au temps, réunit une sélection de documents relatifs à l’œuvre One Year Performances du célèbre performeur taiwano-américain Tehching Hsieh et les films du jeune artiste néerlandais Guido van der Werve
Les installations filmiques d’Eija-Liisa Ahtila jouent avec l’idée de narration, créant des fables extraordinaires à partir d’expériences humaines ordinaires