Selon moi, la triade lecture, écriture et méditation sur les œuvres d’art contemporain constitue une conversation animée et improvisée avec l’altérité des œuvres visuelles et écrites. Elle engendre en son sein des mouvements dynamiques d’émergences et de floraisons, de rayonnements épars et de cristallisations chromatiques, d’envolées et d’enracinements: on est invité à accomplir entre ceux-ci de constants voyages et, pour un temps, à s’y poser, à y habiter. Le terme «converser», nous apprend le Petit Robert, puise ses racines dans le latin conversari, «fréquenter». De plus, dans ses acceptions plus anciennes, «converser» signifie «vivre avec quelqu’un» et «vivre quelque part». Et puis, lorsque le texte porte sur l’art contemporain, l’œuvre visuelle contribue au dialogue: je fréquente l’œuvre, je vis avec le texte qui se penche sur elle, ils m’animent, je partage leur échange, j’habite ce lieu.
Dans son essai «Encre invisible: lire l’écriture et écrire la lecture», Toni Morrison comprend l’acte de lecture comme une occasion pour le lecteur ou la lectrice d’un texte de participer à l’écriture de celui-ci, à la manière d’un chant: il y a les paroles, la partition, puis l’interprétation. «Le lecteur ou la lectrice “fait pour” le livre est celui ou celle qui est en harmonie avec l’encre invisible, explique-t-elle. L’encre invisible est ce qui réside sous, entre et hors les lignes, et reste caché jusqu’à ce que le bon lecteur le découvre [1].» Et voilà ce que nous propose l’ouvrage RELATIONS: la diaspora et la peinture: l’occasion de rencontres pour le visiteur et la visiteuse, pour le lecteur et la lectrice, avec l’encre invisible des œuvres et des textes. Car pour nous, avec l’exposition RELATIONS, s’ajoutent les œuvres visuelles, avec leur propre encre invisible: celle qui se faufile dans la trame arrière de la toile, celle qui se dégage d’un empâtement de peinture, celle qui irradie doucement à la surface. Chacun et chacune y trouve sa propre encre invisible.
[1] Toni Morrison, «Encre invisible: lire l’écriture et écrire la lecture», La source de l’amour-propre, Paris, Christian Bourgeois éditeur, 2019, p. 415.