D’abord présentée à la Fondation PHI en août 2024, la série de projections vidéo Désobéissances sensibles explorait l’histoire de l’art et les pratiques artistiques ayant marqué les féminismes. La première partie du programme offrait des œuvres réalisées par des artistes historiques comme Carolee Schneemann et Ana Mendieta, alors que la seconde proposait des œuvres d’artistes contemporain·e·s du Québec. Dans cette dernière, la présence de la performance et de références aux artistes historiques était marquante. Pendant le commissariat sur le segment québécois du programme, il est devenu évident que certaines voix manquaient. En réponse, un appel à soumissions vidéo a été lancé, donnant forme au volet final du programme. Visant à conclure ce projet de recherche élargi et à offrir une plateforme pour mettre en lumière des œuvres récentes par des artistes locales et nationales, la Fondation PHI présente une sélection d’œuvres datant de 2021 à aujourd’hui.
Où en sommes-nous maintenant? Les effets de la pandémie se ressentent encore fortement dans cette sélection d’œuvres : l’expérience de l’isolement de même que l’émergence de révolutions et de conflits (Black Lives Matter, #MeToo, les guerres russo-ukrainienne et israélo-palestinienne, etc.) ont suscité diverses réactions explorant des modes de survie et de guérison. La notion d’« être » s’est exprimée avec force dans une plus grande connexion à soi ; le désir d’une communauté a donné lieu à la création de nouvelles expériences et de nouveaux lieux, forgeant une pratique consistant à s’entourer des autres, à partager avec les autres, et une résilience collective.
Dans ce programme vidéo, les féminismes prennent forme à travers l’acte de performance. La performance est présente, que ce soit individuellement ou collectivement, et elle s’appuie sur des actions et une présence manifeste. Une communauté signifie des gens qui ont en commun des intérêts et des causes dans une société élargie. La collectivité, selon cette définition, c’est la qualité et la force trouvées dans le fait d’être ensemble. Dans cette sélection, la notion de communauté prend différentes formes et offre des expériences et des espaces où l’individu peut exister. Dans In Spite of the Score, Julia E. Dyck réunit un groupe d’artistes pour faire ensemble l’expérience du son dans un acte queer éphémère. L’être-ensemble est ici élevé à un autre état. Des traditions comme la transmission de rituels, le soin de la terre et de la jachère, se trouvent, par la répétition de gestes et de références, dans les œuvres de Ralitsa Doncheva, du Collectif B.L.U.S.H. et de Laura Taler.
Dans Seams of Resilience - Part 2 de Rojin Shafiei, se déploie une nature morte où des cheveux d’Iraniennes passent dans un hachoir à viande. Cette image illustre une transformation violente qui renvoie à une communauté luttant pour son existence. Même si ces communautés ne sont pas littéralement représentées à l’écran, la vidéo souligne leur présence. Le corps politique et sensible, qu’il performe une manière d’être présent ou qu’il soit un récipient, se retrouve également dans les œuvres de Charline Dally, Lee Ingram et Florencia Sosa Rey.
Dans Merging, Dissecting, Collecting, Joyce Joumaa nous met devant des jumelles nous révélant Istanbul et Tripoli, où l’on se trouve dans l’histoire coloniale de ces lieux par l’entremise de la voix de la cinéaste lisant des textes. Enfin, dans Papaya, Dédé Chen partage un événement traumatisant de sa vie tout en revisitant des archives familiales. Les artistes de ce programme décident de ce que les publics peuvent et ne peuvent pas voir, des images qu’ils peuvent regarder et de ce qu’ils vont entendre. Ultimement, les choix des artistes façonnent notre regard et soulignent des questions existentielles à propos de ce que signifie « être », nous offrant un aperçu imaginatif et parfois personnel de leurs vies. À quel point sommes-nous privilégié·e·s d’avoir ces informations partagées avec nous?
Commissaire: Victoria Carrasco