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Yayoi Kusama: DANCING LIGHTS THAT FLEW UP TO THE UNIVERSE
Introduction et G1: citrouilles
Yayoi Kusama naît le 22 mars 1929 à Matsumoto, au Japon. Sa passion pour l’art est innée et, malgré la désapprobation de sa mère, elle passe des heures à dessiner dans son carnet de croquis au milieu des jardins et des champs de récolte de la maison et de l’entreprise familiale. Tout au long de sa carrière, Kusama a été inspirée par ces expériences et sa profonde fascination pour la nature et le cosmos. Jusqu’à ce jour, les citrouilles, les fleurs, les formes biomorphiques, les motifs cellulaires, les filets et les points constituent des éléments puissants et récurrents dans son œuvre. Ils évoquent l’immensité du monde cosmique et la place qu’elle y occupe – et que nous y occupons.
La salle G1 regroupe des bronzes de différentes tailles représentant des citrouilles. L’artiste voit ce fruit pour la première fois lorsque, enfant, elle visite un grand champ de récolte avec son grand-père. Les surfaces réfléchissantes des sculptures nous renvoient notre reflet fragmenté, ce qui nous permet d’entrer en contact avec ce que Kusama appelle la « forme charmante et séduisante » de la citrouille. Comme elle l’écrit dans son autobiographie, ce qui lui a surtout plu, c’est la « généreuse absence de prétention » de la citrouille. De même que son « solide équilibre spirituel ». Alors qu’elle étudie à l’École municipale des arts et métiers de Kyoto, à partir de 1948, Kusama peint des citrouilles avec une application digne d’un moine. Ces humbles courges demeureront un thème important de son œuvre.
G2: salles d’observation
Dans les années 1960, Kusama connaît un important succès critique aux États-Unis et en Europe pour ses sculptures et installations inventives. Elle innove dans sa propre pratique en réalisant des « sculptures molles » appelées Accumulations, ou encore des installations comme Aggregation: One Thousand Boats Show. Exposée en 1963-1964, cette installation occupait les murs, le sol et le plafond de la galerie, produisant un effet d’immersion vertigineux correspondant au désir de l’artiste de représenter l’infini. En 1965, Kusama commence à utiliser le miroir pour obtenir cette sensation d’immersion totale et présente sa première salle de miroirs, Infinity Mirror Room - Phalli’s Field, à la Castellane Gallery de New York. L’année suivante, on peut voir à la même galerie Kusama’s Peep Show, aussi intitulée Endless Love Show, une autre version des salles de miroirs qu’elle qualifie d’« environnements ». Cette œuvre préparera le terrain aux Infinity Mirrored Rooms [les salles de miroirs infinis].
Kusama crée également de petites pièces en miroir de composition similaire qui adoptent une forme sculpturale plus discrète. Le public est invité à jeter un coup d’œil dans ces environnements. Dans la salle 2 se trouvent deux versions récentes de ces petites salles de miroirs intitulées The Universe as Seen from the Stairway to Heaven et My Evanescent Dream Within a Dream, toutes deux créées en 2022.
G3: chronologie
Cette salle présente une chronologie photographique des moments clés de la carrière de Kusama ainsi qu’une sélection de publications sur son œuvre.
Dans sa jeunesse, Kusama est déterminée à quitter le Japon pour New York afin de poursuivre son art. Elle arrive à Seattle en 1957, où elle est invitée à présenter une exposition personnelle à la Dusanne Gallery, puis se rend à New York en 1958. Ses premières années dans la Grosse Pomme sont marquées par la pauvreté et la solitude. Ses troubles émotionnels sont intensifiés par les structures de pouvoir qui régissent le milieu artistique anglophone, majoritairement blanc et à prédominance masculine, mais Kusama persévère. À la fin des années 1960, elle est une artiste réputée et célèbre de l’avant-garde, tant en Amérique qu’en Europe.
Kusama continue à approfondir et à diversifier sa pratique. Stimulée par les protestations contre la guerre au Vietnam et par son exploration de la performance, elle organise des « happenings » alliant les notions d’amour, d’humanité et d’univers infini. Ces « happenings » trouvent un vaste public au sein du mouvement hippie. Visant à mettre à l’épreuve les limites de la société conservatrice, ces événements attirent également une grande attention des médias du monde entier. En 1968, Kusama produit et réalise, en collaboration avec Jud Yalkut, un court métrage expérimental intitulé Kusama’s Self-Obliteration dans lequel elle peint des pois sur un cheval, une prairie, un étang, des arbres et des corps. Elle se tourne également vers la mode et le design en lançant sa propre marque appelée Kusama Fashion Company. La création de vêtements et de textiles lui offre de nouvelles avenues d’expression où elle peut incorporer ses filets infinis et ses motifs à pois.
G6: peintures
À son arrivée à New York en 1958, Kusama commence à travailler sur ses peintures innovantes Infinity Net, des œuvres monochromes composées d’une multitude de petits arcs qui s’étendent sur la toile comme un filet. Ces nappes de motifs circulaires, qui illustrent la profonde fascination de Kusama pour l’infinité de l’univers, deviendront la pierre angulaire de son langage visuel. Ses toiles atteignent jusqu’à 10 mètres de long, et Kusama peint même parfois au-delà de leur surface – sur le sol, les meubles, voire son propre corps.
Vouée à la peinture et à son vaste potentiel, Kusama entame en 2009 une série de tableaux à l’acrylique intitulée My Eternal Soul, dont huit sont présentés dans cette salle. Ces grandes surfaces carrées présentent une palette vive et un traitement audacieux et détaillé. Initialement, la série devait se terminer avec le centième tableau, mais l’artiste a continué à réaliser ces toiles vibrantes en plus de se consacrer à de nombreux autres projets et expositions. Des formes biomorphiques telles que des cellules, des amibes, des globes oculaires, ainsi que des fleurs, des petits pois et des profils de visage remplissent les toiles complètement. Si ces œuvres semblent contraster avec les monochromes Infinity Net, le désir de remplir toute la surface de façon à immerger le public reste constant. Comme l’a fait remarquer l’historienne de l’art Jenny Sorkin, ces peintures n’ont pas de fin, mais s’appuient sur la circularité et la répétition, tel le cycle de la vie.
G5: salles de miroirs infinis
Kusama retourne au Japon en 1973 où elle poursuit sa pratique artistique. En 1978, elle publie son premier roman, Manhattan Suicide Addict, et expose régulièrement tout au long des années 1980. En 1989, la rétrospective Yayoi Kusama: A Retrospective est consacrée à l’artiste au Center for International Contemporary Arts de New York, et en 1993, elle représente le Japon à la 45e Biennale de Venise. Au milieu des années 1990, Kusama revient à la création d’installations ambitieuses, les Infinity Mirrored Rooms. Elle en a réalisé plus d’une vingtaine depuis, et l’une de ses plus récentes, INFINITY MIRRORED ROOM - DANCING LIGHTS THAT FLEW UP TO THE UNIVERSE, est présentée ici. Créée en 2019, cette pièce se compose d’une multitude d’ampoules suspendues qui passent du blanc au rouge avant de s’éteindre brusquement. Nous sommes plongés dans l’obscurité pendant un moment, jusqu’à ce que les sphères lumineuses se rallument lentement, nous rappelant les cycles de la mort et de la renaissance.
La pièce INFINITY MIRRORED ROOM - BRILLIANCE OF THE SOULS, conçue en 2014, se compose d’une passerelle entourée d’un bassin d’eau peu profond et de lumières multicolores suspendues du plafond à différentes distances et hauteurs pour évoquer l’étendue étoilée des galaxies lointaines.
Tout au long de sa vie, Kusama a connu des problèmes de santé mentale, dont l’anxiété et des hallucinations fortes. En 1977, elle s’est admise dans un hôpital à Tokyo où elle vit aujourd’hui, près de son studio.
Kusama est une artiste qui affronte et canalise son monde intérieur à travers ses œuvres afin de trouver la liberté. Ses visions, elle les embrasse, les attire près d’elle et s’y enveloppe pour oublier la peur et se rassurer, tout en impliquant la participation du public. Nous aussi, nous pouvons y trouver un réconfort, comme Kusama, pour qui faire de l’art est une forme de guérison.