P: Avec Domestic Landscape, tu sembles vouloir rappeler l’origine de l’architecture, qui est l’imagination humaine. T’es-tu aussi, à l’inverse, inspirée de certaines architectures pour bâtir ton imagination?
SR: Il existe certaines inspirations qui recoupent l’ensemble de mes projets, mais pour chaque projet il y a aussi des inspirations spécifiques. En général, évidemment, l’architecture a une grande influence sur moi. On a parlé plus tôt de Frank Lloyd Wright, il y aussi des architectes très connus comme Le Corbusier, Mies van der Rohe ou Ricardo Bofill. Quand j’ai déménagé en France, j’ai fait une résidence pendant laquelle j’ai réalisé toute une série de vidéos intitulée Machine for living inspirée des villes nouvelles autour de Paris, avec des architectures des années 60, complètement psychédéliques, très utopiques: les espaces d’Abraxas, la Grande Borne, les Tours Aillaud... Pour ce projet, j’ai même pris des photographies de ces lieux, intégrées dans la vidéo. Je me suis aussi beaucoup inspirée des films d’Éric Rohmer, dont L’ami de mon amie, qui comporte tout un commentaire sur les villes nouvelles, à la fois tellement atroces et belles. Il y a quelque chose de sublime, de repoussant, de terrifiant et en même temps très intéressant esthétiquement. Donc on revient à cette idée de tension.
P: Comme dans un tableau de Chirico. C’est vide, cauchemardesque mais on s’y sent presque bien…
SR: Je ne crois pas à l’utopie. Je pense qu’il faut apprendre à habiter ce trouble, à vivre dans l’ambiguïté, la contrariété, et à y trouver une façon de redéfinir notre relation au présent, aux autres êtres. Dans mes œuvres comme dans celles de Chirico ou dans des lieux comme les villes nouvelles, on trouve ce côté séduisant tout en étant froid. Le tout est de trouver une bonne façon d’y naviguer.