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Antenne

Ways to approach stan douglas art
Vue d’installation, Stan Douglas: Dévoilements narratifs, 2022, Fondation PHI. Stan Douglas, 20 June 1930, 2020; 20 June 1944, 2020. Impressions numériques chromogènes montées sur aluminium Dibond. Avec l’aimable permission de l’artiste, Victoria Miro et David Zwirner © Fondation PHI pour l’art contemporain, photo: Richard-Max Tremblay

Pistes de réflexions pour l’art de Stan Douglas

  • Entrevue
  • Arts
  • Fondation PHI
Par  Adrienne Johnson  &  Marie-Hélène Lemaire

Thème: Corps dans l’espace

En marge de l’exposition Stan Douglas: Dévoilements narratifs, Adrienne Johnson, historienne de l’art et collaboratrice invitée, et Marie-Hélène Lemaire, responsable de l’éducation à la Fondation PHI, font équipe pour cocréer et animer la conversation vidéo Mouvements: Stan Douglas – «Le corps dans l’espace». Elles y abordent la série photographique la plus récente de Stan Douglas, Penn Station’s Half Century (2020) et plus particulièrement la manière dont les corps noirs et les corps féminins bougent et interagissent dans l’espace architectural de Penn Station, tel qu’il est réinventé par l’artiste. Dans cet essai dialogique, Adrienne et Marie-Hélène discutent de leur processus de cocréation et invitent les visiteur·euse·s à trouver leur propre façon d’aborder l’art de Stan Douglas.

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Marie-Hélène Lemaire et Adrienne Johnson

Marie-Hélène Lemaire: Pour Mouvements en cocréation: Stan Douglas, je tenais à ce que ta voix, Adrienne, se joigne à celles de mon équipe d’éducateur·rice·s et à la mienne afin de stimuler et d’approfondir nos réflexions au sujet de l’exposition de Stan Douglas. De par tes recherches et tes publications, je savais que tu saurais mettre en évidence des aspects fondamentaux de l’œuvre de l’artiste. Il me semblait également que nous partagions la même méthodologie d’approche de l’art contemporain, c’est-à-dire celle de la «pensée en mouvement» et de la multivocalité. Lorsque tu as pris connaissance de ce projet de cocréation, qu’est-ce qui a suscité ton intérêt et t’a donné envie de collaborer?

Adrienne Johnson: L’occasion d’établir des liens et de créer avec d’autres professionnels du domaine des arts était trop tentante. Je ne pouvais pas manquer ça! De plus, votre invitation a coïncidé avec la levée des restrictions liées à la COVID-19, ce qui facilitait la tenue de quelques rencontres en personne (dans le respect des mesures d’hygiène et de distanciation de rigueur). Du point de vue d’une étudiante au doctorat, la pandémie n’a fait qu’accroître le sentiment d’isolement que l’on peut normalement ressentir pendant la rédaction d’une thèse. Ce changement tombait donc à point, tout comme l’occasion qui m’était donnée d’approfondir mes connaissances de l’art contemporain, ici de la photographie de Stan Douglas, car mon thème de recherche (et ma passion) se centre sur les artistes paysagistes canadiens noirs et de la diaspora africaine actifs du milieu du XIXe siècle au début du XXe siècle.

Pistes reflexion stan douglas 002
Adrienne Johnson

Marie-Hélène: Y a-t-il eu des points saillants pour toi pendant la production des segments cocréés

Adrienne: L’un des points forts pour moi a été l’aspect collaboratif de la production. De manière générale j’adore converser avec des gens différents et écouter leurs points de vue et leurs expériences (j’ai bien hâte qu’un «traducteur universel» comme celui utilisé dans Star Trek soit inventé pour  la communication interespèces!) parce qu’il est important de s’ouvrir à d’autres perspectives. Pouvoir discuter avec des personnes de milieux différents du nôtre est un atout inestimable pour toutes les facettes de l’être. Ces moments-là sont magiques, peu importe le contexte ou la «gravité» du thème de discussion. 

Marie-Hélène: Je suis tout à fait d’accord! Pour moi, ce qui ressort de Mouvements en cocréation, c’est ton ouverture au fait que nous ayons des points de vue différents et complémentaires. Ma façon d’aborder l’art contemporain repose sur une méthodologie somatique féministe et sur la recherche poétique. C’est aussi sous cet angle que j’ai parlé avec toi de la représentation des femmes (Amelia Earhart et d’autres figures emblématiques féminines, telles les mères nation) dans l’architecture patriarcale de Penn Station. Avec ta perspective historique, tu as mis l’accent sur les corps noirs (les bagagistes à casquette rouge et les soldats noirs de la Deuxième Guerre mondiale) en relation avec l’architecture de la gare, et j’en ai beaucoup appris. En plus d’être une historienne de l’art critique, tu t’intéresses aussi aux perspectives somatiques, qui considèrent que les œuvres d’art et nos corps sont faits d’une matérialité vibrante, animée et partagée. C’est ce qui m’a frappée chez toi. 

La traduction ou la transmission de concepts est au cœur de nos domaines. En pensant à l’exposition Dévoilements narratifs et à nos approches respectives, comment penses-tu que cela se matérialise? Quelles considérations sont prises en compte? 

Adrienne: Quelle vaste question! Il est impératif d’articuler et de transmettre efficacement les idées, quel que soit le domaine dans lequel on évolue. C’est essentiel à l’existence humaine. Du point de vue d’une universitaire émergente et historienne de l’art, la simplicité du langage est une considération fondamentale. Je pense que le fait d’avoir un sujet clair et d’utiliser un libellé qui rend les concepts faciles à comprendre élimine beaucoup d’obstacles potentiels. L’art de la communication, écrite ou orale, est en bout de compte une pratique continue. 

Marie-Hélène: Oui, je le vois dans ton travail et dans tes écrits: clarté du langage et accessibilité des concepts, sans pour autant renoncer à transmettre la complexité et la profondeur des idées, bien au contraire. Je vise une approche similaire des mots par ma méthodologie de recherche poétique. Tu as accueilli avec une grande ouverture mon rapport poétique aux concepts au sein de ta propre constellation d’idées issues de ta perspective d’histoire de l’art. De manière organique, au fil de notre dialogue, nous avons trouvé des bases conceptuelles communes: les corps dans l’espace, la phénoménologie de l’espace, l’imaginaire et le réel, l’architecture de la lumière et des ombres, la vraisemblance, le documentaire et l’imagination, etc. 

Je tiens à te remercier, Adrienne, pour cette belle collaboration. Ce fut un vrai plaisir de travailler avec toi! 

Adrienne: Merci Marie-Hélène, de m’avoir offert cette occasion de travailler avec toi et ton équipe formidable. J’ai été très touchée! Je suis une grande admiratrice du Centre et de la Fondation PHI et de la façon dont ils œuvrent pour l’inclusivité et semblent oser explorer et aborder une foule de questions depuis des perspectives incroyablement diversifiées, en plus de leur soutien aux chercheuses et chercheurs locaux et internationaux. À bien des égards, cette expérience (et en particulier la possibilité de travailler avec toi, Marie-Hélène) illustre pourquoi je tiens le domaine des arts dans la plus haute estime: l’art permet de découvrir d’autres circonstances au-delà de notre expérience personnelle. Il facilite non seulement les rencontres, mais aussi l’établissement de nouveaux liens, et génère des échanges avec les autres qui contribuent bien souvent à élargir notre compréhension… Pour citer le regretté artiste, poète et auteur montréalais, Anthony Joyette, «Merci pour l’instant».

Après votre visite, nous vous invitons à approfondir les concepts clés de l’exposition Stan Douglas: Dévoilements narratifs:

Écrivez un poème ou un récit de fiction en vous inspirant de l’une des neuf photographies de Penn Station’s Half Century. Faites ensuite des recherches sur le contexte historique dans lequel s’inscrit cette photographie. Comment votre texte entre-t-il en dialogue avec votre recherche subséquente?

Choisissez l’une des neuf photographies qui composent la série Penn Station’s Half Century et faites des recherches sur l’événement historique auquel elle se rapporte. Puis, sur cette base, imaginez et écrivez le texte qui pourrait aller sur le mur à côté de cette photographie dans le cadre de l’exposition (il peut prendre n’importe quelle forme).

Mouvements en cocréation

Au début de l’automne dernier, le département de l’éducation de la Fondation PHI a lancé Mouvements en cocréation, une initiative liée à notre approche pédagogique visant à favoriser l’accès à l’art contemporain par l’entremise du mouvement sous toutes ses formes: intellectuel, affectif, émotif et physique. Dans le cadre de ce projet, des invités spéciaux collaborent avec nous pour enrichir notre outil éducatif, Mouvements. Cette ressource prend la forme d’essais et de capsules vidéo et met en lumière les grandes thématiques liées aux expositions en cours. En nous inspirant de l’intellectuelle spécialiste de la culture Mieke Bal, nous appelons ces thématiques des «concepts migratoires»: ils ont des qualités résonantes et vibratoires et sont aussi dotés d’une dimension intellectuelle et réflexive.

Autrices

Adrienne Johnson
Adrienne R. Johnson est titulaire d’une maîtrise et d’un baccalauréat en histoire de l’art de l’Université Concordia et elle est actuellement étudiante au doctorat en histoire de l’art à l’Université McGill. Passionnée par la vie des premiers Noirs canadiens, sa thèse porte sur les artistes paysagistes canadiens noirs et de la diaspora africaine du milieu du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Elle est généreusement soutenue par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) et le Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC). Adrienne est cofondatrice du groupe de recherche Ethnocultural Art Histories Research (EAHR), fondé en 2011 avec Alice Ming Wai Jim, docteure en histoire de l’art. L’EAHR est piloté par des étudiants du département d’histoire de l’art de l’Université Concordia et facilite les possibilités d’échange et de création par le biais de différents projets qui aspirent à offrir un cadre stimulant permettant à des problèmes de représentation ethnique et culturelle dans les arts visuels au Canada d’être étudiés. Elle est l’auteur du chapitre « Authoring Belonging: Early African Canadian Fine Artists George H. McCarthy (1860–1906) and Edith H. McDonald (c.1880–1954) » de l’ouvrage Towards an African Canadian Art History: Art, Memory, and Resistance, publié sous la direction de Charmaine A. Nelson, qui est le premier livre à avoir consolidé le domaine de l’histoire de l’art Noir au Canada. Depuis avril 2021, Adrienne est également membre fondatrice de l’initiative de recherche «Black Art History Montreal».

Marie-Hélène Lemaire
Marie-Hélène Lemaire est responsable de l’éducation à la Fondation PHI pour l’art contemporain. Elle compte plus de 20 ans d’expérience en tant qu’éducatrice dans diverses institutions muséales d’art contemporain, comme le Musée d’art contemporain de Montréal et la Galerie d’art Leonard et Bina Ellen. Elle est titulaire d’une maîtrise en études muséales de l’UQÀM (Université du Québec à Montréal), ainsi que d’un doctorat en communication de l’Université Concordia qui met en avant sa méthode pédagogique basée sur le mouvement pour la visite guidée de groupe dans les expositions d’art contemporain. Elle utilise les approches féministes de la corporéité, du néo-matérialisme et de la recherche poétique afin de privilégier et de valider nos engagements somatiques et affectifs envers l’art contemporain. Elle a publié dans The Journal of Museum Education (2021), Canadian Review of Art Education (2021) et Muséologies (2018). Elle nourrit une pratique d’écriture poétique pour le développement, l’animation et l’interprétation des programmes éducatifs pour les visites guidées ainsi que pour sa propre expression artistique. Elle est vouée à la justice épistémique dans le milieu de l’art.

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