D’abord un couloir, puis un trou noir qui s’ouvre tel un espace-temps intemporel, un univers originel et immémorial. Autour, de longs rideaux noirs arrêtent le regard et suggèrent l’infini tout à la fois. En orbite à trois mètres du sol scintillent des sphères de lumière, voûte céleste (presque) à portée de main. Sous les pieds, le plancher en béton réfléchissant crée l’illusion de flotter dans l’atmosphère. Aux confins de la scène, un immense miroir capte et retransmet chaque onde de lumière dans un écho visuel répété en boucle. Bienvenue dans l’univers de la trilogie Spheres, une série d’œuvres de réalité virtuelle réalisée par Eliza McNitt et mise en scène par PHI.
La fierté est palpable. Lors de l’exposition Écho: réverbération dans l’espace, l’équipe artistique et technique de PHI avait créé une scénographie saisissante pour la première canadienne de Spheres. Et voici que le Rockefeller Center invite ces artisans montréalais à recréer leur mise en scène originale pour la grande rentrée new-yorkaise de l’œuvre, rien de moins. Un rendez-vous à ne pas manquer, à Montréal jusqu’au 3 février prochain et à New York du 18 janvier au 3 mars 2019. «Nous avions été complètement soufflés par la scénographie au Centre PHI, alors nous tenions à collaborer avec eux au Rockefeller Center. Je n’avais jamais vu une telle mise en scène pour une œuvre virtuelle, une telle vision des possibilités du médium.» De toute évidence, les membres de l’organisation du Rockefeller Center partagent l’opinion de Jess Engel, productrice de Spheres. C’est sur leur invitation que l’équipe de PHI les rencontre en octobre 2018, puis s’envole en janvier vers la Grosse Pomme. Là, un local inoccupé de l’iconique adresse new-yorkaise sera transformé, en quelques semaines tout juste.
« Avec la réalité virtuelle, il faut pallier la froideur de la technologie. »
UN UNIVERS
POUR LA VR
Du point de vue visuel, l’installation de Spheres est d’une simplicité trompeuse, confie la productrice Julie Tremblay. «En fait, c’est la simplicité du design qui rend cette installation si belle et percutante. Elle a été conçue pour l’espace du Centre PHI, qui possédait déjà des murs de rideaux et un plancher réfléchissant.» Au Rockefeller, l’installation est présentée par Tishman Speyer, propriétaire, promoteur, et gestionnaire immobilier de premier plan dans le monde. «Spheres y occupe un espace vacant depuis plusieurs années, où les murs n’étaient pas finis, encore moins peints, avec de nombreux conduits de ventilation - Le pari était surtout technique.» Si la technologie s’avère un défi en tout temps, habiller un espace compte parmi les talents des scénographes de PHI, la designer Sarah Migos et le directeur artistique Vincent Toi. «Avec la réalité virtuelle, de dire Migos, il faut pallier la froideur de la technologie. En VR, tout se passe dans le casque et non autour. Le designer a donc pour rôle d’insuffler une chaleur, d’assurer le confort aussi.» Parce que chaque installation comporte sa liste de limites et de possibilités pour faire vivre l’expérience à l’usager, «comment faire pour que le spectateur se sente accueilli et sache à quoi s’attendre, poursuit Sarah Migos. Qu’il comprenne comment bouger dans l’espace. Avec un casque sur la tête, tu ne peux pas déambuler partout, il faut respecter un certain périmètre». La designer doit aussi se préoccuper des visiteurs plus âgés, ceux souffrant de vertige, voire de mal des transports, et qui pourraient avoir besoin d’un banc. L’aspect ergonomique fait partie du travail de tout bon créateur. Quant à la technologie en soi, elle se transforme en véritable casse-tête lorsque vient le moment de gérer les multiples éléments de toute installation: «En tant que productrice, nous dit Julie Tremblay, mon rôle est de prendre la maquette du directeur artistique et de m’assurer que ce soit encore plus beau en vrai, de donner vie à l’œuvre en équation avec les réalités du directeur technique.
« Ici, la scénographie débute avant même d’enfiler le casque. »
LE POUVOIR D’ATTRACTION
À L’ŒUVRE
Ici, la scénographie débute avant même d’enfiler le casque. «Le corridor à l’entrée s’inspire de la force d’attraction d’un trou noir, le miroir du fond aussi, explique Sarah Migos. Sachant que Spheres allait être une pièce maîtresse d’Écho, le design a vite découlé du concept d’attraction, la circulation à l’intérieur de l’expo prenant la forme d’un entonnoir qui t’amène, te force vers Spheres.» Pour Vincent Toi, «un bon directeur artistique se doit aujourd’hui de créer des expos "instagrammables", si je peux me permettre le mot. C’est devenu un critère pour les lieux d’exposition et les musées. Nous voulions donc créer un espace vivant et très esthétique qui invite les spectateurs à se prendre en selfie afin que l’œuvre voyage à travers les réseaux sociaux.» L’installation au Rockfeller Center représente un tournant dans le parcours de Spheres, selon Jess Engel. «En VR, aucune norme n’existe sur "comment" faire vivre ces œuvres coûteuses à présenter. La scénographie devrait toujours être une extension de l’œuvre, mais ce n’est pas le cas. Durant les festivals, les artistes proposent des contextes créatifs, mais le coût et l’espace imposent des limites. PHI possède cette vision globale de l’expérience et des nouvelles technologies VR, qui amplifie ce que tu vois quand tu mets le casque.»
Alors que PHI se penchait sur la scénographie d’Écho, l’équipe de Spheres était à l’autre bout du monde, à Venise, où leur série allait gagner le Grand Prix de la meilleure œuvre en réalité virtuelle à la Biennale. «Nous avons dû lâcher prise, confesse Jess Engel, si bien que quand on est arrivés à Montréal, tout était déjà terminé. Et c’était parfait! Si beau, si élégant, on sentait tout de suite le profond respect pour l’œuvre artistique, la volonté de faire vivre une expérience aux spectateurs. Souvent, comme producteur, je suis celle qui doit pousser, pousser et pousser encore. Je passe mon temps à dire "Pourquoi on n’essaie pas tel truc" ou "Non, c’est pas comme ça qu'on fait!". Mais pas cette fois, l’équipe de PHI sait comment valoriser l’œuvre — et les artistes! — avec des scénographies de calibre mondial.» Spheres a été présenté jusqu'au 3 février 2019 à Montréal et jusqu'au 3 mars 2019 à New York. La version new-yorkaise était une réalisation de Tishman Speyer en collaboration avec PHI et les studios RYOT.
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