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Fondation

Antenne

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Illustration: Chiladen

Le bogue technologique: se glisser, subvertir, réimaginer

  • Article
  • Fondation PHI
Par  Kim Jonhson  &  Marie-Hélène Lemaire

Thème: bogue technologique

L’exposition Conditions d’utilisation illustre la manière dont les technologies ont un impact sur nos identités individuelles et collectives. Dans cet essai, nous proposons une réflexion sur l’exposition vue selon l’angle du concept du glitch (bogue ou raté technologique). Le mot «glitch» puise ses racines du Yiddish et de l’Allemand. Il signifie «glisser» et désigne un mouvement imprévu entraînant une erreur. Dans le domaine des technologies, les erreurs sont souvent vues négativement. Cependant, les artistes de l’exposition ne partagent pas cette perception. La posture expérimentale des bogues et des ratés nous permet de trouver d’autres options que le statu quo. Devenir soi-même un glitch en se glissant au sein de divers systèmes de pouvoir pour offrir une résistance aux manières dont ils répriment nos identités et nos existences en est un exemple.

Pour cet essai, nous mettons en valeur deux artistes de l’exposition, VahMirè (Ludmila Steckelberg) et Chun Hua Catherine Dong, car elles sont exemplaires dans leur manière d’utiliser le bogue afin de résister aux forces qui cherchent à fixer et à limiter leurs identités, et ainsi se donner l’occasion de réimaginer celles-ci.

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VahMirè (Ludmila Steckelberg), Dé[faroucher] (extrait de production), 2019-2023. Avec l’aimable permission de l’artiste

VahMirè est une artiste d’origine brésilienne basée à Montréal. Avec son installation (Dé)farouchée, elle explore sa relation affective envers des environnements spécifiques à Montréal (dont le parc Angrignon, son salon et l’UQAM). Elle le fait par le biais de sculptures textiles, par la réalité virtuelle et par la projection vidéo.

Son rapport au thème du bogue se situe dans son expérimentation de la photogrammétrie et du numériseur manuel qui lui permettent de capter sa présence au sein de différents endroits à Montréal. L’expérimentation avec ces technologies insère de multiples ratés dans le résultat final, ce qu’elle encourage, car cela lui permet de créer une œuvre qui représente bien sa relation compliquée avec ces espaces. En effet, en tant que femme immigrante à Montréal, cette relation est ambivalente : elle s’y sent chez elle et accueillie, mais, aussi, elle s’y sent exclue; elle s’y sent enracinée, mais aussi en flottement. Ainsi, l’œuvre vidéo et la VR présentent à la fois des espaces enveloppants, d’une beauté encapsulée, où la figure de l’artiste s’y pose avec douceur et paix. Mais simultanément, cette figure se heurte aux pointes agressives de ces environnements, pointes créées par les ratés de la photogrammétrie.

Meet Me Halfway 02
Chun Hua Catherine Dong, Meet Me Half Way (extrait de production), 2021. Avec l’aimable permission de l’artiste

Pour sa part, Chun Hua Catherine Dong, artiste d’origine chinoise basée à Montréal, nous transmet son histoire par le biais de la réalité virtuelle, de la sculpture, de la photographie et de l’installation vidéo.

Par exemple, avec l’œuvre Mulan, elle nous propose une réinterprétation féministe de la figure de Mulan, qui appartient au folklore chinois. Alors qu’une guerre éclate, Mulan s’enfuit de son village en travestissant son identité de jeune femme en celle d’un guerrier pour prendre la place de son père âgé dans l’armée. Chun Hua transforme ce personnage et son environnement traditionnel en l’amenant dans l’univers virtuel d’un écosystème océanique, où l’espace est en soi fluide et mouvant. On pense ici au glitch, car cet espace marin permet à Mulan de se faufiler en dehors des structures conventionnelles qui fixent son identité de genre et la répriment dans sa possibilité d’agir.

Cette idée se poursuit avec l’œuvre Meet Me Half Way, où l’artiste nous transporte dans un univers virtuel en sa compagnie. En nous permettant de nous glisser dans son corps en mouvement, elle nous plonge dans un espace vertigineux, sans chemins tracés d’avance. Nous voyageons ainsi dans l’infini de l’imagination débordante de l’artiste où toutes choses coexistent de manière dynamique et fertile.

Dans cet espace, comme dans plusieurs des œuvres de Chun Hua, nous sommes libres d’être qui nous voulons et de dévoiler différents aspects de notre personnalité, aussi contrastantes et multiples soient-elles.

Plusieurs autres œuvres d’art de Conditions d’utilisation utilisent le bogue technologique comme stratégie artistique de résistance et de subversion. Nous vous invitons à en choisir deux et à analyser la manière dont s’y manifeste le bogue.

Le livre Glitch Feminism: A Manifesto* de la commissaire Legacy Russel a beaucoup influencé cette exposition. Nous vous invitons à effectuer une recherche pour en apprendre davantage sur cet ouvrage et à décrire la manière dont il apporte un éclairage unique sur votre interprétation de l’exposition.

*Glitch Feminism: A Manifesto est disponible pour achat à la Fondation.

Mouvements

L’outil Mouvements: Conditions d’utilisation est conçu par l’équipe de l’éducation à la Fondation PHI afin d’encourager les visiteurs à développer en profondeur certains concepts clés explorés par l’exposition Conditions d’utilisation.

Autrice·s

Kim Johnson
Kim Johnson est éducatrice et chargée de projet à la Fondation PHI. Elle a complété un baccalauréat en Éducation de l’art à l’Université Concordia en 2016. Kim s’investit dans la démocratisation de l’art visuel à travers ses projets pédagogiques et artistiques au sein de divers centres communautaires et d’institutions culturelles de Montréal, dont le Musée des beaux-arts de Montréal, à titre de médiatrice culturelle. Artiste visuelle, elle puise son inspiration dans les connexions humaines, le féminin et la nature. Kim affectionne particulièrement la peinture ainsi que la linogravure.

Marie-Hélène Lemaire
Marie-Hélène Lemaire est responsable de l’éducation à la Fondation PHI pour l’art contemporain. Elle a plus de vingt ans d’expérience en tant qu’éducatrice muséale en art contemporain dans différentes galeries et musées, tels que le Musée d’art contemporain de Montréal, la Galerie Leonard and Bina Ellen. Elle détient une MA en muséologie à l’UQÀM (Université du Québec à Montréal), ainsi qu’un doctorat en communications à l'Université Concordia qui porte sur le développement d’une pédagogie basée sur le mouvement pour la visite guidée de groupe dans les expositions d’art contemporain. Elle utilise les approches féministes de la corporéité, du néo-matérialisme et de la recherche poétique afin de privilégier et de valider nos engagements sensoriels, sensuels et affectifs envers l’art contemporain. Elle a publié dans The Journal of Museum Education (2021), Canadian Review of Art Education (2021), et Muséologies (2018). Elle nourrit une pratique d’écriture poétique pour le développement, l’animation et l’interprétation de son programme éducatif, ainsi que pour exprimer ses propres engagements esthétiques. Elle est vouée à la justice épistémique dans le milieu de l’art.

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