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En conversation avec les lauréats de PHI Immersif: Iolanda Di Bonaventura et Saverio Trapasso

  • Entrevue
  • Studio PHI
Par  Andrew Gray

Pour la première itération de la résidence PHI Immersif, PHI Studio a eu le plaisir d'accueillir les lauréat.e.s sélectionné.e.s, le duo créatif Iolanda Di Bonaventura et Saverio Trapasso, pour développer leur projet pendant huit semaines.

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Iolanda Di Bonaventura et Saverio Trapasso forment un duo on ne peut plus différent, mais qui se complète parfaitement. Iolanda a une vision esthétique forte, nourrie par la conscience qu'elle a d'elle-même et des autres, par sa pratique des médias visuels et par sa formation en danse-thérapie. Saverio est un technologue créatif qui ne reconnaît pas le caractère artistique de son travail, l'incitant sans cesse à repousser les limites de ses capacités et à communiquer la vision d'Iolanda. Leur pièce 0 était une installation de réalité virtuelle qui, par le biais d'éléments très simples (un avatar de nous-mêmes reflétant notre mouvement, un champ de blé vaste et fluide), nous reconnectant avec notre corps, nous incitant à sentir comment nous bougeons différemment et méditant sur le cycle de la naissance et de la mort. 

Mon rôle lors la résidence était de les aider à développer le parcours du visiteur avant et après avoir mis le casque de VR. Au cours de la dernière semaine de résidence, j'ai trouvé un peu de temps dans leur horaire chargé pour m'asseoir et discuter avec eux. La conversation s'est déroulée naturellement et j'ai découvert deux personnes ayant une approche unique, sensible et réfléchie des nouveaux médias et de la technologie XR.

Cet entretien a été modifié dans un souci de brièveté et de clarté.

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Andrew: Pouvez-vous débuter par un résumé de votre pratique?

Iolanda : Je dirais que la partie fondamentale de ma pratique artistique est l'investigation du soi. J'ai utilisé de nombreux outils pour atteindre cet objectif, bien que «atteindre» ne soit pas le mot juste, car la recherche de soi n'est pas quelque chose que l'on peut recevoir ou que l'on peut posséder. C'est un processus continu. J'ai commencé à dessiner, puis j'ai décidé de prendre des photos. La découverte de la photographie a été une partie importante de mon processus artistique, car elle s'est produite alors que j'étais assez jeune, à l’adolescence, et je viens d'une ville qui a été détruite par un tremblement de terre. Alors que mes ami.e.s commençaient à se droguer, j'ai découvert la photographie et c'est ce qui m'a sauvée en quelque sorte. Mais je me suis mise à penser que ce n'était pas suffisant, même si j'ai profondément étudié la lumière et étudié tous les processus techniques nécessaires pour réaliser ce que je voulais réaliser. Et donc je suis passée à autre chose, soit la vidéo, et je me suis cherchée dans la vidéo aussi, puis dans l'animation, puis dans la performance. On pourrait dire que ce qui m'a amené vers cette découverte, c'est le sentiment d'être complètement mal à l'aise dans mon corps, mais ce n'est pas le sentiment typique que l'on voit chez les adolescent.e.s et les femmes qui disent ne pas se sentir bien dans leur corps. Ce n'est pas le sentiment que j'éprouve. Le sentiment que j'éprouve est davantage lié à la question de savoir pourquoi suis-je ici? Pourquoi ai-je un corps? Pourquoi est-ce si inconfortable pour moi d'exister? Mon art m'aide à explorer, je ne dirais pas «la réponse» car il n'y a pas de réponse, mais peut-être à découvrir la question. J'ai lu quelque part que les professionnel.le.s n'ont pas la bonne réponse, mais simplement les bonnes questions. Alors disons que pour moi, l'art est la recherche de ma propre question.

Andrew : Votre pratique consiste donc à vous interroger sur la façon dont vous vous sentez connecté.e.s ou déconnecté.e.s de votre propre corps?

Iolanda : Exactement. Puis j'ai rencontré Saverio, et j'étais très intéressée par le côté plus technologique de la création et les voies offertes par les nouveaux médias. Nous avons eu l'idée d'établir une collaboration entre nous. 0 marque le troisième projet sur lequel nous travaillons ensemble.

Andrew : Quelque chose à ajouter, Saverio?

Saverio : *Rires* Je ne suis pas sûr de ce que je peux ajouter. Je veux dire, c'est elle l'artiste. Je ne suis qu’un outil. Un outil humain.

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Andrew : J'aimerais prendre un moment pour qu’on puisse décortiquer ensemble le mot «immersif». Comme le nom de la résidence, «immersif» englobe de nombreuses formes de narration dans les nouveaux médias, et il reste un concept relativement nouveau que je vois appliqué à une foule de choses différentes. J'ai l'impression qu'il est devenu tellement omniprésent qu'il est parfois difficile à définir. Comment définiriez-vous «l’art immersif»?

Iolanda : Je ne me reconnais pas comme une artiste, ni comme une artiste immersive, ni comme quelqu'un qui s'occupe d'une installation immersive. Je ne ressens pas ce lien entre moi et ce mot. Le terme «art immersif» ne veut rien dire, et d'après ce que j'ai vu, c'est davantage lié au divertissement. Pour moi, le but principal de l'art est de créer une connexion entre les êtres humains, de créer une communication, et de créer un espace dans lequel cette communication peut se produire.

[...]

Saverio : C'est vraiment confus. J'ai ma propre idée de ce que signifie la perception immersive. Mais parler de perception immersive est différent de parler d'une expérience immersive parce que le mot «expérience» signifie beaucoup de choses différentes dans beaucoup de scénarios différents. Donc c'est injuste de parler de ce sujet vous savez. *Rires*

Andrew : Diriez-vous qu'il existe une esthétique immersive ?

Saverio : Comme je suis issu du monde de la technologie et de la production de jeux vidéo, j'aimerais clarifier le fait que le mot «esthétique» a une signification différente, peut-être plus profonde pour moi que pour quelqu'un dont l'expérience est ancrée, par exemple, dans le monde du cinéma ou de l'art. Lorsque nous parlons «d’esthétique», dans le monde des expériences de jeux vidéo, nous ne faisons pas seulement référence au style visuel ou sonore d'un projet, à son caractère explicite ou implicite, à ce qu'il communique au spectateur et à la manière dont il le fait. Dans «l’esthétique» des jeux vidéo, de la VR et des expériences immersives, le mot inclut également la façon dont la convivialité et l'interactivité sont intégrées dans le flux d'expériences, et comment cela est communiqué au participant.

Iolanda : Je ne suis pas sûre d'être la personne la mieux qualifiée pour répondre à la question «existe-t-il une esthétique immersive»?

Dans cette résidence, nous ne nous mettons pas seulement en avant en tant que créatifs, mais nous apprenons aussi les différences substantielles qui existent dans la perception du monde de l'art en Italie (notre pays d'origine) et au Canada. Je pense qu'il est facile d'imaginer comment «l'art italien» est ancré dans le passé, prenant de la place au profit de la recherche et de l'innovation; une perspective qui est complètement inversée ici au Canada.

Andrew : Pensez-vous que le public des nouveaux médias a dépassé le stade de la fascination pour la technologie et qu'il commence à apprécier de manière plus complexe le large éventail de possibilités d'expériences qui peuvent être créées à l'aide des techniques et des technologies disponibles ?

Iolanda : Je pense qu'en tant qu'artistes, en tant que communauté qui travaille avec ces nouveaux médias, nous avons une grande responsabilité dans le façonnement de la perception du public, en ouvrant des portes dans leur cerveau pour leur montrer d'autres façons d'utiliser la technologie. Cependant, d'après mon expérience, les besoins artistiques entrent souvent en conflit avec le marketing et les règles qui dominent la vente et la distribution d'une œuvre d'art.

Andrew : Quel est votre sentiment à l'égard des nouveaux médias dans une atmosphère axée sur le marché? Pensez-vous que cela compromet votre vision artistique en sachant que vous devez produire quelque chose de consommable?

Iolanda : Je ressens les contraintes des conditions dans lesquelles nous vivons. Et je ne pense pas que nous ayons eu la chance de rencontrer notre public. Nous n'avons pas vraiment eu l'occasion de montrer quelque chose qui nous permette d'arriver à un point où nous nous posons la question : «comment je me sens de produire quelque chose qui soit consommable?» La question que j'aimerais plutôt poser est: «les questions que j'aimerais que mon public se pose... sont-elles consommables?» Les graines que nous voudrions semer à l'intérieur du spectateur sont-elles consommables? J'espère que non.

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Andrew : Lorsque nous parlons de cinéma, nous empruntons souvent le langage de la photographie et du théâtre. Avez-vous l'impression que l'art immersif et les nouveaux médias, en particulier les œuvres d'art XR, empruntent beaucoup de connaissances et de langage à l'industrie du jeu vidéo?

Iolanda : Je pense qu'il y a un grand préjugé envers le terme «jeu vidéo». Et je ne suis pas du tout une amatrice de jeux vidéo. Mais en regardant les choses de l'autre côté, en tant que personne qui s'occupe de la production de quelque chose qui a tant de points communs avec le monde des jeux vidéo, je suis profondément consciente des connaissances qui se cachent derrière ce processus. J'ai étudié le cinéma. J'ai un diplôme en cinématographie. Je connais le processus de création dans l'industrie du cinéma et je sais combien d'efforts cela demande, mais ce n'est rien comparé au travail nécessaire à la production d'un jeu vidéo. Rien. Je pense que nous devons être reconnaissants que cette connaissance existe. C'est un outil précieux pour nous, si nous pouvons seulement apprendre à voir bien au-delà du «score», de «l'objectif» ou du «nombre de tirs dans la tête».

Saverio : C'est un sujet difficile parce que je viens du monde des jeux vidéo. Il y a beaucoup d'idées fausses sur ce monde. Je pense que le terme «jeu vidéo» fait émerger beaucoup d'idées préconçues et entraîne un manque de confiance, surtout chez les générations qui nous ont précédés. Il y beaucoup de fausses conceptions comme quoi c'est une forme de divertissement vide. 

[...]

Personne ne parle de la psychologie des joueurs. Je pense que les études réalisées sur la psychologie des joueurs de jeux vidéo peuvent nous apprendre beaucoup de choses sur notre identité et ce qui nous anime en tant qu'êtres humains. [...] Il y a des personnes qui, à travers des expériences virtuelles et immersives (qu'il s'agisse de jeux vidéo, de mondes virtuels, etc.), satisfont leur besoin de socialisation, et d'autres qui sont attirées par l'interaction avec les environnements. 

Je pense que les pulsions et les besoins sont des éléments qui nous définissent non seulement en tant que joueurs, mais aussi en tant qu'êtres humains. Je pense que le monde des jeux vidéo peut nous apprendre beaucoup de choses sur qui nous sommes. Dire que le jeu nous aide à atteindre un certain niveau et degré de satisfaction - subjectif et dépendant de notre psychologie - est un peu une métaphore de la vie. Nous appelons cette activité «jeu», en oubliant souvent qu'il s'agit... en fait d'une activité, et que cette activité contient une base de connaissances qui peut être utilisée pour façonner un nouveau langage. Une base de connaissances qui ne provient pas de la culture des jeux vidéo, mais de l'examen de l'homme, de l'analyse de son comportement. Puisqu’il s'agit d'une discipline émergente, d'un sujet jeune, je crois que nous devons en faire une discipline qui soit enseignée dans les écoles. Pour revenir au sujet de la responsabilité des créateurs, une meilleure compréhension nous aiderait à contenir les aspects négatifs du monde des jeux vidéo, comme la dépendance. Par exemple, si nous donnons aux enfants de six à dix ans les outils pour apprendre ce qu'est un jeu addictif, et pour reconnaître ce qui rend un produit addictif, cela leur donne le pouvoir de choisir. Je pense qu'aujourd'hui, nous manquons de ce pouvoir parce que nous manquons de connaissances.

Iolanda : Je voudrais juste ajouter une petite réflexion. Ce qu'un jeu et une expérience ont en commun, c'est leur objectif conjoint de répondre à un besoin du visiteur d'être diverti. Je déteste l'idée de me retrouver dans ce monde pour être diverti. Diverti, de quoi ? Ce genre de besoin, qui pour moi est assez nouveau dans sa façon de se manifester, est de capter l'attention des gens, comme une diversion de la vie quotidienne, et de convertir cette attention en divertissement. Je pense que c'est très cruel, et le public manifeste une sorte de dépendance à ce sujet. C'est une question de pouvoir, et la dépendance est une question de pouvoir comme l'a dit Saverio. On en revient à ce que nous avons dit au tout début. L'artiste doit reconnaître l'importance de son rôle dans la formation de l'imagination du public. Façonner l'imagination du public signifie que le public reconsidère le rôle du divertissement dans sa vie. 

Andrew : Si je vous comprends bien, le rôle que vous aimeriez que l'artiste joue, c'est de fournir un antidote, ou une alternative, à cette compulsion de la société à rechercher le divertissement. Je pense que cela renvoie aussi à votre problème d'être un artiste dans un marché de l'art, parce que la commercialisation gravite autour de cette compulsion à rechercher le divertissement. Comment conciliez-vous cela, même en tant que personne critique du marché de l'art, et ce besoin de présenter votre travail comme un produit, cela ne signifie pas que vous ne pouvez pas présenter une pièce qui soit attrayante pour quelqu'un qui reconnaît sa dépendance au divertissement ? Comment pouvez-vous attirer quelqu'un qui est sursaturé par le divertissement?

Iolanda : Nous n'avons pas la réponse à cette question, et nous nous efforçons de trouver la réponse à celle-ci. Comment faire prendre conscience aux gens de ce besoin de se débrancher, de se libérer de la contrainte de devoir se divertir? Je n'ai pas la réponse. Ce que je vais dire est simplement quelque chose que j'ai réalisé ces derniers jours à propos de la pièce que nous avons créée. J'ai pensé à tout ce temps que j'ai passé à essayer d'expliquer le récit, qui est très, très simple. Si simple qu'il peut être déroutant pour les autres. «C'est vraiment aussi simple que ça?» est le commentaire que nous avons reçu de tant de personnes, et je l'ai reçu comme un compliment. Oui, c'est aussi simple que cela. Le récit de l'expérience n'est pas quelque chose qui se passe à l'extérieur de vous, le récit de la pièce est basé sur ce que vous ressentez à l'intérieur. Peut-être que le public qui vient en s'attendant à avoir beaucoup d'action à l'intérieur de l'expérience VR sera très déçu, il faudra beaucoup d'entraînement pour qu'il comprenne son concept. Mais si même un faible pourcentage d'entre eux peut nous dire que c'était bien, cela voudra dire que nous avons atteint notre objectif. Je veux dire, avec nos testeurs, c'était beau de les regarder. C'était beau de voir la forme de la narration qui se déroulait en eux. Au lieu de l'extérieur. 

Andrew : Plutôt que de raconter une histoire ou de tracer une narration, j'ai l'impression que votre travail consiste à établir les conditions qui encadrent le spectateur et qui lui permettent de vivre sa propre histoire. 

Je pense que c'est un aspect important de votre travail, l'utilisation de la technologie. Non pas comme un dispositif de narration, mais comme un outil pour créer des conditions ou des relations - un espace ou un environnement pour permettre au spectateur de se découvrir.

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Andrew : Vous cherchez à provoquer une transformation chez le spectateur par une expérience qui lui demande de se reconnaître. Mais certaines personnes créent des barrières et des mécanismes pour y faire face et se tournent vers le divertissement pour échapper à la réalité. Comment, en tant qu'artiste, abordez-vous votre responsabilité envers ceux qui pourraient être désarmés, ou déclenchés, par une expérience?

Iolanda : J'ai une réponse qui est très articulée. J'aborde cette question non pas en tant qu'artiste, mais en tant que thérapeute. Plus précisément en tant que thérapeute de la danse et du mouvement. Je dirais que vous ne voyez que les parties les plus difficiles de votre vie, et que vous ne reconnaissez vos traumatismes que lorsque vous êtes prêt.e. à les voir. S'il y a trop de mécanismes d'adaptation créant une barrière entre le public et la pièce, ils refuseront tout simplement d'en reconnaître le sens. Ils ne vivront aucune sorte d'éveil. Rien. Ils s'ennuieront tout simplement. Alors peut-être que la question que nous devrions poser est : «comment s'occuper des personnes qui ont une forte réaction physique?», et non «comment s'occuper de ceux qui ont besoin de regarder plus profondément en eux-mêmes, qui utilisent la technologie comme un mécanisme d'adaptation?». Parce que je ne suis pas sûr que cette pièce les y amènera.

Andrew : Nous pourrions peut-être parler brièvement de l'expérience incarnée. L'expérience que vous avez créée est censée reconnecter le spectateur avec son corps. Pensez-vous qu'il soit contre-productif d'offrir ce type de présence dans des conditions virtuelles? Quelles sont, selon vous, les limites de la tentative de provoquer une connexion plus profonde avec le monde physique, de nous rappeler notre corps, par le biais d'expériences virtuelles?

Iolanda : Je pense que la partie la plus dangereuse sera le changement de sens. De la virtualité à la réalité. Mais je pense que si nous établissons des limites claires et protectrices, la technologie peut nous aider à faciliter cette connexion pour nous. Donc oui, je pense que c'est ma réponse.

Andrew : Comment réagiriez-vous si un spectateur venait et faisait la pièce. Et leur réaction était : «eh bien, pourquoi ne pas simplement aller dans un champ d'herbe? Ne serait-ce pas plus immersif ou plus réel?»

Iolanda : Je pense en fait que ce serait la meilleure réaction.

Andrew : Vous parlez de votre expérience en tant que thérapeute du mouvement, et je sais que vous avez une connexion assez sensible dans votre pratique entre l'esprit et le corps, et les aspects psychologiques et physiques de l'expérience. Comment cela influence-t-il votre approche? Ou comment intégrez-vous ce genre de concepts dans votre pratique?

Iolanda : Pour moi, cette pièce est entièrement basée sur les principes des disciplines que j'ai étudiées. Prenons un peu de recul. Une séance de danse-mouvement-thérapie est quelque chose qui se passe entre deux personnes, ou entre une personne et un groupe de patient.e.s. Nous avons un.e thérapeute, et nous avons des patient.e.s. Le thérapeute sait, grâce au langage corporel du patient, ce qui le bloque. Pour lui, il est important d'apprendre à se connaître et de proposer une activité en utilisant sa voix. Il est important de laisser le patient découvrir quelque chose dans le processus, en le réalisant par lui-même. C'est cela la pratique. Mais la décision prise lors de la création de cette pièce n'était pas d'adopter ce genre d'approche directe, mais plutôt de créer un design qui pourrait faciliter cette reconnexion avec leur mouvement. Je veux dire, se retourner dans le champ de blé est assez instinctif. Et j'ai vu beaucoup de gens le faire sans leur dire que c'était le comportement que je voulais provoquer chez eux.

Pour moi, une personne doit percevoir la tridimensionnalité de l'espace. Avoir la possibilité d'explorer une nouvelle dimension active différentes parties du cerveau, ce qui active différents souvenirs, enclenchant différents schémas. S'il n'y a pas trop de mécanismes d'adaptation, créant une barrière entre la personne et l'expérience, c'est à ce moment-là que quelque chose se produit. Et vous pouvez découvrir que c'est très beau de danser avec vous-même; ou vous pouvez découvrir que c'est une expérience terrible de danser avec vous-même parce que vous ne vous voyez que dans votre personnalité vulnérable au lieu de la belle personne que vous êtes. Donc vous projetez quelque chose sur l'avatar. C'est intéressant.

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Andrew : En tant que personne qui a commencé par la photographie, et qui a expérimenté la vidéo, l'installation, la danse, les expériences immersives ou les installations interactives, comment pensez-vous que votre vision se traduit de l'une à l'autre? Croyez-vous qu'entre chaque médium, vous avez un langage d'expression différent?

Iolanda : Je sens qu'il y a un lien entre tous les travaux que j'ai réalisés. C'est un lien intime, mais c'est aussi quelque chose qui est le reflet de l'individu qui regarde la pièce. Je dirais que pour moi, les artistes ne peuvent pas porter de masque. Lorsque vous créez quelque chose, le public mérite un artiste qui ne porte pas de masque. Et donc, l'exercice central de ma pratique est «comment puis-je mettre mon masque de côté?». Et si j'arrive à mettre mon masque de côté, je peux être sincère et je sens que je peux être reconnue.

Andrew : Je trouve que c'est un point intéressant mais qui m'amène à poser une question. Beaucoup de vos œuvres sont des autoportraits, et dans la plupart d'entre eux, vous cachez votre visage. Votre visage est souvent couvert par vos cheveux, masqué par un effet, ou votre corps est positionné de telle sorte que nous ne pouvons pas voir votre visage. Pourquoi appréhendez-vous d'inclure votre visage dans votre travail?

Iolanda : Je ne veux pas l'interpréter de cette façon. Disons que ma façon de faire disparaître le masque est de me libérer du fait que je suis mon visage.

Andrew : Vous voulez dire qu'il y a trop d'importance ou de signification dans votre visage? Que les traits de votre visage sont eux-mêmes un masque ?

Iolanda : Trop peut-être... ou peut-être pas tant que ça. Je pense que pour moi, ce n'est pas tant que ça. Ma pratique consiste, oui, à me tenir devant un appareil photo lorsqu'il s'agit d'un autoportrait, mais ma pratique (et j'aime le fait que vous décriviez l'art, non pas comme un travail, mais comme une pratique) est ce qui se passe avant que nous prenions la photo ou que nous prenions la vidéo. Je passe tellement de temps à trouver le bon environnement, avec la bonne lumière, avec la bonne histoire et la bonne humeur. Et ensuite, pour me positionner dans cet environnement, «qui suis-je maintenant?». Je découvre souvent que je ne suis personne, et je ressens le pouvoir d'être personne. Quelqu'un qui n'a pas de visage n'a pas besoin d'avoir un visage, n'a pas besoin d'avoir une bonne position, n'a pas besoin d'avoir un langage corporel approprié, et n'a pas besoin de se sentir à l'aise en faisant quelque chose qu'il ou elle déteste. Je suis tellement mal à l'aise quand les gens me prennent en photo. Et je suis sincère, c'est ce que j'offre. J'offre le fait que je ne suis pas à l'aise dans ce monde. Et en faisant ça, je pense que les gens peuvent trouver une sorte de soulagement en sachant qu'ils ne sont peut-être pas les seuls à ressentir ça. Je ne sais pas, peut-être.

Andrew : Parlez-moi davantage de ce concept d'étrangeté, de méconnaissable ou d'indéfinissable, qui semble être un thème récurrent. Comment se rapportent-ils à vos images?

Iolanda : Le plus difficile est de décrire ce qui ne peut être communiqué par des mots. L’une des choses que j'ai réalisé au cours de cette résidence, c'est que cet espace d'indéfinition ne peut être atteint avec des mots. Je me trouve donc dans l'incapacité de répondre à votre question ou d'en parler davantage. Je sais simplement que cette dimension repose sur mon moi privé. Et il ne s'agit pas de «je ne veux pas me dévoiler», c'est juste que je ne peux pas le faire. Les mots ne sont pas en mesure d'atteindre cet espace privé.


Passer du temps avec Iolanda et Saverio m'a fait remettre en question mes idées sur les expériences immersives. Peut-être devons-nous repenser notre relation avec les histoires. Peut-être que l'immersion consiste à plonger l'individu dans sa propre histoire, pas du tout virtuellement, mais en utilisant une réalité virtuelle simulée pour lui rappeler qu'il vit déjà une histoire. Ils ont leur propre corps et leur propre expérience, et l'aspect «immersif» n'est pas une évasion, mais un acte de découverte de soi.

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